Après avoir animé des ateliers d’écriture pour des adolescents de Coulaines, j’ai rencontré leurs aïeux avec lesquels j’ai écrit sur la ville, la campagne, le voyage, les traditions, l’ouverture au monde.
Au fil des consignes et des échanges sont nées les pages du carnet de voyages.
Un poème de Jules Supervielle a illustré mon travail autour du champ lexical. Le voici :
Marseille
Marseille sortie de la mer ,
avec ses poissons de roche , ses coquillages et l’iode ,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants ,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d’eau marine ,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel ,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes de maintenant avec leurs yeux de phosphore ,
Leurs verres , leurs tasses , leurs seaux à glace et leurs alcools ,
Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
Ici le soleil pense tout haut , c’est une grande lumière qui se mêle à la conversation ,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des torrents dans la montagne ,
Il prend les nouveaux venus à partie , les bouscule un peu dans la rue ,
Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles .
Et la lune est un singe échappé au baluchon d’un marin
Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit.
Marseille, écoute-moi, je t’en prie, sois attentive,
Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu
Ô toi toujours en partance
Et qui ne peux t’en aller
A cause de toute ces ancres qui te mordillent sous la mer.
Jules Supervielle ( 1884-1960) «Débarcadère»
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